Tuesday, January 22, 2013

La mort du français au Québec


Peu importe de quel groupe social vous êtes issus, vous avouerez que le français écrit est terriblement difficile à apprendre, et absolument chiant à maîtriser.
Ce n’est pas un problème essentiellement québécois. Malgré que le Québec soit actuellement le pire massacreur du français, la France, la Belgique et la Suisse romande sont aux prises avec le même problème. Pourquoi est-ce un problème inhérent au français? Pourquoi l’espagnol et l’italien, par exemple, ne font pas face aux mêmes difficultés?
Eh bien, voilà. Parce que le français est compliqué pour rien!

 Depuis le début de la vulgarisation du latin jusqu’au français d’aujourd’hui, les populations francophones ont toujours eu tendance à patoiser notre langue. Au milieu du IXe siècle, la France a tenté d’éradiquer le breton, le patois du français le plus répandu à l’époque. Les enseignants recevaient le mandat suivant du ministère de l’éducation: «Surtout rappelez-vous, Messieurs, que vous n’êtes établis que pour tuer la langue bretonne.» Pour forcer ce «linguicide», les enfants qui étaient pris à parler breton dans la cour d’école étaient ridiculisés par les autres élèves, ce qui était mandaté par les enseignants... Cette lutte pour un français uniforme créa un snobisme linguistique. On refusait tous les postes importants à ceux qui n’avaient pas la “bonne orthographe.” Les enfants n’avaient même pas droit de faire leur première communion s’ils s’obstinaient à parler breton. C’était devenu une affaire de classe, d’importance sociale. Le problème, c’est que cet ostracisme envers ceux qui ne maîtrisaient pas le français parlé et écrit n’a jamais permis une réforme satisfaisante de l’orthographe française!
Résultat: Nous sommes pris, encore aujourd’hui, avec des règles grammaticales trop arbitraires, un système archaïque et complexe à souhait qui n’est plus conforme à la réalité linguistique contemporaine. Le massacre du français écrit n’est qu’un des symptômes d’une langue qui ne s’est jamais adaptée au peuple qui l’utilisait.

 Maintenant, je crois que la question est la suivante. Voulons-nous nous battre pour un bon français parce que c'est une belle langue, pleine de richesses et de subtilités, ou voulons-nous le faire parce que nous considérons, consciemment ou pas, le français comme le fleuron de notre identité québécoise ? Quelle est votre réponse là-dessus ? Ça m'intéresse beaucoup, honnêtement.
Et si je peux me permettre de creuser un peu plus, est-ce qu'une langue devrait être vue comme une œuvre d'art qu'il nous faut absolument protéger de toute altération, empruntée à d'autres langues ou née de la paresse du peuple ? Ou alors est-ce un outil de communication qui doit évoluer avec le peuple ? Si plus personne ne se rappelle ce qu'est un grille-pain, mais savent ce qu'est un "toaster", est-ce un péché que d'intégrer "toasteur" au dictionnaire ? "Ce n'est pas du français à la base !" Oui, mais le français, à la base, c'est du latin qui a été massacré par la populace pour devenir le latin vulgaire, pour ensuite être influencé par l'invasion franque, puis se diviser en de nombreux dialectes. Les deux principaux, langue d'oc et langue d'oïl (selon la manière de dire "oui"), eux-mêmes étaient divisés en de nombreux sous-dialectes selon la région. C'est enfin la langue d'oïl, plus particulièrement celle parlée à Paris, qui est devenue le français d'aujourd'hui.

 La pureté de la langue française, c'est quoi au juste ? Je pense que sa pureté vient de toutes ses transformations, selon les changements que le peuple lui a imposés au fil du temps, pour les bonnes et les mauvaises raisons.
Ce qui me met en colère, ce n'est pas la transformation de notre langue (que je crois inévitable, même si elle est en proie à l'influence anglophone), ni la tendance à patoiser le français, ni même la tendance des Québécois à ne pas maîtriser le français, ce qui est triste (je l'avoue), mais qui naît de l’orthographe archaïque d'une langue trop snob pour changer , (à moins que l'on voit "ognon" comme le début d'une révolution) et d’une méthode d’enseignement à revoir. Ce qui me dégoûte, c'est la glorification du manque de respect de notre langue par les jeunes d'aujourd'hui. L'utilisation systématique d'expressions incorrectes, de mots écrits phonétiquement, de verbes mal conjugués, d'une grammaire déficiente... Tout ça, c'est à la mode aujourd'hui. Les adolescents voient d'un très bon œil la paresse linguistique et ils jettent toutes les règles de la langue aux poubelles.

 Ça, voyez-vous, ce n'est pas une évolution de la langue. Ce n'est pas une pente faisant glisser notre langue dans une direction ou une autre. C'est un gouffre. Et le français y tombe à la vitesse grand V. Quand les ados n'en seront plus, le besoin d'écrire n'importe comment ne sera plus là, mais les connaissances n'y seront toujours pas ! Comment vont-ils réussir à aider et motiver leurs propres enfants à apprendre le bon français, s'ils sont eux-mêmes de parfaits analphabètes ?
Je crois que si un courant risque de faire disparaître le français au Québec, ce n'est pas l'influence anglophone. C'est la célébration de la paresse linguistique.

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